Philippe COUSIN / Artiste – 13ème jour

Le virus philosophique

 Cela fait treize jours maintenant que nous sommes confinés. A l’heure qu’il est, près de deux  milliards de femmes, d’hommes et d’enfants sont contraints de rester chez eux sans trop savoir si cette opération de la dernière chance  arrêtera la pandémie, ou pas… En fait, depuis que le virus est là, on ne sait rien, on ne voit rien, on ne sent rien. Nous sommes seulement soumis à un incessant bombardement de mots d’ordre, via la radio et les écrans : Restez chez vous ! Lavez-vous les mains ! N’approchez personne ! Ne touchez personne! Le plus étrange, c’est ça : nous sommes extrêmement nombreux à n’être plus que soi, mais tout en étant réduit à cette extrémité, nous restons tout de même responsable des autres, de tous les autres (soixante-six millions de fruits confits, rien qu’en France)

Mais bon, c’est le principe même du confinement : il empêche l’épidémie de Coronavirus de s’étendre. Sans personne pour l’héberger, le virus finira bien par mourir de faim…Chacun s’enferme chez soi et lui abandonne le terrain. Il avance ? On recule. Il sonne à la porte ? On crie qu’on n’est pas là. Il se présente déguisé en cousine, en voisin, en préposé de la Poste ou en amoureux transi ? On appelle le 15. Reste que ce n‘est pas facile de rester sur son quant-à-soi, ou, encore mieux, entre soi -le soi d’aujourd’hui, qui n’en mène pas large, et le soi d’hier, qui voudrait vivre comme avant. En un mot, quand on est confiné, on est SEUL, et ça ne change rien si l’on est deux ou en  famille. Ca peut même devenir compliqué si le virus est déjà entré dans la maison : sans le savoir, ce sont peut-être vos enfants qui vont vous le faire avaler, dans un bisou, dans un éclat de rire ou dans un crachat de petit chat…Vous ne serez vraiment rassuré que dans quelques jours, à la fin de l’incubation, si incubation il y a. Patience !

Reste qu’un mal amène souvent un bien. Même si c’est « une sacrée cochonnerie », comme le disait dernièrement un épidémiologiste, le Coronavirus est d’abord un virus philosophique dans le sens où la philosophie est d’abord une façon d’affronter la réalité. Il nous contraint à nous redéfinir et à redéfinir le monde autour de nous. Qui sommes-nous quand les autres ne sont pas là ? Que pesons-nous quand nous sentons plus leur poids familier dans notre cœur, dans nos souvenirs ?  Et comment nous comporterons-nous quand nous pourrons enfin sortir de nos maisons et nous donner à bon compte l’illusion que tout est redevenu comme avant ?

Pure illusion : cette cochonnerie reviendra toujours, dans six mois, dans un an. Et même si on lui trouve un vaccin, un autre virus prendra la suite, ou alors son clone. Rien ne redeviendra comme avant, mais nous pouvons faire en sorte de vivre mieux à l’avenir, plus sainement, sans saccager notre environnement. Nous sommes depuis longtemps  à la planète ce que le Coronavirus 19 est aujourd’hui pour nous, à savoir un prédateur aveugle et  sans scrupules : changeons notre comportement, et tout changera.

PhC