Philippe COUSIN / Artiste – 20ème jour

Je ne bougerai pas

C’est dit, je ne bougerai pas. Quelle que soit la date où l’on pourra enfin sortir de chez soi, je resterai dans mon petit appartement sur jardin, au cœur d’Avignon. J’ai pour cela plusieurs raisons, toutes plus excellentes les unes que les autres.

J’exercerai ainsi l’un de mes droits les plus précieux, c’est-à-dire aller et venir à ma guise, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. On nous les a à peu près tous retirés, le matin du 16 Mars, pour cause de pandémie, mais la perte de celui-là m’a particulièrement affecté. Et donc, si le gouvernement me rend ma liberté, je me ferai un plaisir de ne pas en user. D’abord parce que ça m’arrange -je me présente volontiers comme un loup-garou ou un explorateur mais je suis un sédentaire acharné, comme tous les artistes. Et ensuite parce que ce sera une bonne occasion de ne pas faire comme tout le monde : se remettre à galoper comme un damné, merci bien ! Je ne sortirai de chez moi que quand je le déciderai, pas avant.

La deuxième raison, c’est que je n’aime pas trop me balader avec les oreilles de Monsieur Spock, ce personnage de la série « Star Treck », mi humain-mi extraterrestre, avec des pavillons comme des cornets à dé et un air désagréable. Le port du masque obligatoire m’a toujours souverainement déplu parce que j’ai le tête trop grosse -ou alors, c’est parce que les élastiques sont trop courts. Résultat : ça me rabat les oreilles en avant, j’ai l’air ridicule, je ressemble à un vieil éléphant.

Et la troisième raison, c’est que j’aime bien cette vie de confiné et que je compte la continuer le plus longtemps possible. Mon absence ne vous pèsera pas, vous aurez plein de choses à faire : mettre les enfants à l’école, remplir les frigos, partir en vacances, faire du sport, bavasser à tout va…. Grand bien vous fasse, moi, je préfère rester chez moi, libre, détaché de tout, les oreilles bien collées de part et d’autre de la tête. Un être humain dans toute sa splendeur.

PhC