Philippe COUSIN / Artiste – 24ème jour

Il est où, Dieu ?

Cela fait maintenant trois semaines que la moitié de l’humanité est confinée chez elle. Chez nous, deux mille vieillards sont morts du Covid dans les maisons de retraite. C’est le versant caché, presque honteux, de la catastrophe : nos parents et nos grands-parents meurent en silence, loin de nous, dans une atmosphère de fin du monde. L’Italie a passé le cap des 13 000 morts, l’Espagne s’en rapproche à toute allure, les Etats-Unis sont partis tard mais ils mettent les bouchées doubles. Quant aux Palestiniens enfermés à Gaza, aux populations Syriennes cernées par les tueurs d’Assad et les émigrés africains entassés dans les camps de rétention, personne n’en parle. Que peut-on faire pour eux, nous qui n’avons même pas de gel, de gants et de masques en nombre suffisant ?

Tout ceci nous amène à parler de Dieu.

Il est où, Dieu? On a sondé les cieux miraculeusement vierges de traces d’avion, on l’a appelé dans nos prières comme s’il était dans la pièce à côté, on lui a écrit poste restante mais il ne donne toujours pas signe de vie. On pourrait lui faire le procès d’être en partie responsable de la pandémie meurtrière -Vous qui avez Tout Créé, pourquoi avez-vous créé aussi le Covid19 ?- mais ce serait un peu facile sans compter que tout le monde peut se tromper. Il a sûrement ses raisons, Dieu, mais comme il ne nous les a jamais données, son silence n’en est que plus assourdissant.

Tout de même… Maintenant que la planète est plongée dans le silence et que chacune et chacun peut s’entendre penser, un petit mot encourageant venant de lui serait le bienvenu. Un rien, un murmure, un chuchotement, genre : -Tenez bon ! -Reprenez du fromage ! -Réfléchissez à ce qui va suivre…

Ou alors : – Vous avez donné pour la réfection de Notre Dame ?

Il a une excuse, tout de même, Dieu : c’est le prototype même du grand confiné. Il reste enfermé chez lui depuis la nuit des Temps, il est pénard, surement un peu dépressif, et puis il n’aime peut-être pas les fruits confits.